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Mercredi 17 novembre 2021 - 20 h 40
- Cinéma Jean Eustache
Mary Shelley

Mary Wollstonecraft Godwin rencontre le poète Percy Bysshe Shelley en 1814 et débute avec lui une passion scandaleuse qui va déboucher, deux ans plus tard, sur la création de son roman Frankenstein ou le Prométhée moderne…
L’année sans été.Les faits sont bien connus. En juin 1816, le couple formé par le poète Percy Shelley et sa compagne Mary Wollstonecraft Godwin (future épouse Shelley) vient en vacances en Suisse, sur les bords du lac Léman, sur invitation du poète Lord Byron. Le couple est accompagné de la fille de la belle-mère de Mary, Claire Clairmont, à cette époque la maîtresse de Byron. Contraints de rester enfermés à cause du mauvais temps, dans une ambiance elle-même de plus en plus sujette aux tensions, les jeunes gens en viennent à imaginer chacun, sur la suggestion de Byron, une histoire de fantômes. Le récit conçu par Mary, baptisé Frankenstein ou le Prométhée moderneconnaîtra dès sa parution en janvier 1818 un retentissement hors du commun et depuis lors jamais démenti.
Cette anecdote, le cinéma s’en est emparé de longue date. Dès le prologue de La Fiancée de Frankenstein[1]de James Whale (1935), sequelau succès de Frankenstein, réalisé en 1931 par le même Whale pour la Universal, le contexte créatif ayant présidé à cette œuvre absolument séminale est devenu l’un de ces « moments » qui stimulent la rêverie puis la créativité d’autres artistes. En 1986, Ken Russell consacre même le bien nommé Gothicà cette fascinante histoire, lâchant sur les paisibles rives du Léman un torrent de visions délirantes et baroques caractéristiques de son cinéma.
Au-delà de Frankenstein.Évidemment, le second film de Haifaa al-Mansour revient longuement sur la gestation de Frankensteinet les circonstances qui l’ont vu naître. Le film est d’ailleurs, dans son ensemble, une exploration du processus créatif qui habite Mary avant même sa rencontre avec Shelley. Mais il englobe ce questionnement sous la forme, plus vaste chronologiquement, du biopic, des transformations (politiques et sociétales, scientifiques, littéraires) qui agitent l’époque et du destin personnel, profondément tragique, de son héroïne. Car c’est la mort qui imprègne le film ; la mort prématurée des êtres chers, qui accompagne Mary : celle de cette mère philosophe, féministe et femme de lettres (Mary Wollstonecraft), celle de trois de ses enfants, disparus en bas âges ; celle de la première femme de Shelley, puis de Shelley lui-même, par noyade. Dans l’obsession de Victor Frankenstein de ressusciter ceux dont la présence lui a été prématurément ôtée, il faut lire en miroir celle de Mary Shelley, réverbérée par une époque aux progrès scientifiques propices aux détournements cauchemardesques (le galvanisme…). Le film se focalise enfin sur le parcours d’une auteure, semé d’ilôts d’un bonheur épars et toujours provisoire : les rapports de Mary et de son père, William Goodwin, lui aussi philosophe, romancier et journaliste ; la rencontre avec Percy Shelley.
Haifaa al-Mansour, première réalisatrice de l’histoire du cinéma saoudien, avait avec Wadjdaen 2012 dressé le portrait d’une enfant à la volonté tenace, bien décidée à s’acheter le vélo de ses rêves. Dans Mary Shelley, la tenacité est toujours là, malgré les vents contraires et la dureté d’une époque intolérante à l’émancipation féminine sous toutes ses formes.
[1] Si le contexte (Château, nuit d’orage…) est préservé et constitue un rappel immanquable de l’anecdote d’origine, ce prologue est toutefois supposé se dérouler aprèsla publication du roman.
Fiche du film
Réalisateurs(trices)
Haifaa al-Mansour
Année
2017
Durée
121 minutes
Date Sortie française
Mercredi 8 août 2018
Auteur(s) / Scénario
Emma Jensen, Haïfaa Al-Mansour
Format de diffusion
DCP
Détails
Interprètes
Elle Fanning (Mary Shelley), Douglas Booth (Percy Shelley), Tom Sturridge (Lord Byron), Owen Richards (William Godwin), Joanne Froggatt (Mme Goodwin)…
Direction photographie
David Ungaro
Montage
Alex Mackie
Couleur
Couleur
Distributeur
Pyramide Distribution
Musique
Amelia Warner
Son
Nicolas Tran Trong
Costumes
Caroline Koener
Décors
Paki Smith
Producteur(trice)
Amy Baer, Alan Moloney
Pays
USA Grande-Bretagne Luxembourg