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Vendredi 19 novembre 2021 - 18 h 50
- Cinéma Jean Eustache
Le Rideau cramoisi

Le Rideau cramoisi
Alexandre Astruc
1953
45 min.
VF
Un jeune sous-lieutenant de hussards, en garnison en province, est ébergé chez un vieux couple. Il fait la connaissance d'Albertine, la fille de ses hôtes, en tombe amoureux et, après lui avoir fait une cour assidue, en fait sa maîtresse…
Paradoxes.Né en 1809, Jules Barbey d’Aureveilly grandit dans une austère famille normande dont il n’aura de cesse de s’éloigner au cours d’une jeunesse tumultueuse lorsque, jeune adulte installé à Paris, il court les cafés et les conquêtes. Jouisseur, « débauché » dans la grande tradition de l’un de ses dieux lares, Lord Byron, d’Aurevilly y gagnera le sobriquet de « Sardanapale d’Aurevilly[1] ».
Un temps démocrate, en opposition frontale avec les valeurs de sa famille, il retourne pourtant en Normandie, embrassant progressivement un monarchisme et un catholicisme intransigeants à partir des années 1840. Tout en créant le scandale avec des récits marqués par les ravages de la passion et une sensualité aussi vénéneuse que torrentielle.
Barbey d’Aurevilly a longtemps été célébré pour ses essais et les flèches décochées par ce redoutable (et profus) critique littéraire. Ses héros sont les Romantiques, Walter Scott, Byron, Balzac, Beaudelaire. Ses inimitiés, violentes, vont au naturalisme, aux frères Goncourt, à Zola, à Hugo. Pourtant, c’est plutôt son œuvre romanesque qu’on lit encore aujourd’hui, à commencer par Les Diaboliques, recueil de nouvelles « scandaleuses » paru une première fois en 1874. D’aurevilly y a travaillé pendant 25 ans[2]et la première édition est épuisée en quatre jours. Mais ce foudroyant succès sent la poudre et fait peser sur l’auteur la menace d’un procès qui sera finalement levée ; il faudra attendre 1883 pour voir publiée une nouvelle édition.
Paradoxes (II).En 1948 paraît dans L’Écran françaisun texte bref, mais appelé à faire date : Naissance d'une nouvelle avant-garde : la caméra-stylo[3]. Il est signé par Alexandre Astruc, qui revendique dans ce manifeste esthétique la singularité et l’autonomie d’un langage cinématographique prêt à s’affranchir des tutelles de la littérature ou du théâtre. C’est pourtant le nombre et la variété de ses adaptations littéraires (sans oublier son œuvre d’écrivain) qui caractérisent la trajectoire d’Alexandre Astruc, d’abord pour le grand écran et ensuite, principalement, à la télévision.
Ensuite, il y a cette fidélité au texte d’origine, qui se signale notamment par l’emprunt, en voix-off, de portions entières du texte d’origine – comme en témoignent Le Rideau cramoisiou Le Puits et le Pendule. Et pourtant, c’est une forme singulière qui en émerge, bien qu’elle soit dans Le Rideau cramoisiplacée sous l’influence visuelle d’Orson Welles.
Dans ce premier moyen métrage couvert de prix[4]et qui affirme sa personnalité de cinéaste, Astruc s’est concentré sur la nouvelle qui ouvre Les Diaboliques, « Le Rideau cramoisi », très caractéristique des personnages féminins dépeints par Barbey d’Aurevilly : mystérieux, opaques, souvent impassibles. Que masquent les apparences ? Comment déceler ce qui anime Albertine ainsi que ses parents, couple tout aussi indéchiffrable de banals bourgeois, au fond inquiétants dans leur banalité même ? Nous n’en saurons pas plus, et ce caractère inconclusif du film est aussi, à sa manière, à mettre au crédit de la fidélité à l’œuvre originale.
Quant à ces personnages, Alexandre Astruc les inscrit dans une demeure aux pièces fréquemment noyées d’ombres, à l’image de cette passion irrépressible, et pourtant étrangement dévitalisée, consommée dans le silence et les tenèbres.
[1] Il est d’ailleurs un « praticien » et un théoricien du dandysme, auquel il consacre en 1845 un ouvrage remarqué, Du dandysme et de George Brummel.
[2] La première des nouvelles qu’il ait écrite (mais la quatrième dans l’ordre du recueil), « Le Dessous de cartes d’une partie de whist », paraît en 1850, après avoir été refusée par La Revue des deux Mondes.
[3] Sur l’importance de ce texte et sa postérité, on consultera la conférence de Frédéric Gimello-Mesplomb donnée le 8 janvier 2010 au Forum des Images : https://www.dailymotion.com/video/xbzhdb
[4] Dont le Prix Louis Delluc.
Fiche du film
Réalisateurs(trices)
Alexandre Astruc
Année
1953
Durée
45 minutes
Date Sortie française
Vendredi 6 mars 1953
Auteur(s) / Scénario
Alexandre Astruc
Format de diffusion
35 mm
Détails
Interprètes
Anouk Aimée, Yves Furet...
D'après
D'après "Le Rideau cramoisi", première des six Diaboliques de Jules-Amédée Barbey d'Aurevilly
Direction photographie
Eugen Schüfftan
Montage
Madeleine Bagiau
Couleur
N&B
Production
Argos Films, Como Film
Distributeur
Tamasa
Musique
Jean-Jacques Grünenwald
Son
René Lécuyer
Costumes
Mayo
Décors
Mayo
Pays
France